L'autonomie et l'indépendance sont illusoires en agriculture.

En 2016, lorsque l'idée d'une ferme a commencé à germer dans mon esprit, mon objectif était clair : devenir autosuffisante, indépendante, autonome. À cette époque, je ne voyais l’agriculture que sous l’angle de l’autosuffisance, sans ambition commerciale.
Puis, en 2020, j’ai commencé à envisager cette passion comme un métier, une activité qui pourrait me faire vivre. J’étais convaincue qu’il suffisait d’élargir l’échelle de mon modèle d’autosuffisance pour en faire une entreprise viable. Dans cette optique, j’ai conçu un plan d’affaires ambitieux : nous allions tout produire, ou presque, et nous le ferions seuls.
Ce fut le début des années les plus exigeantes de ma vie. Deux grossesses se sont entremêlées avec la naissance d’une ferme construite de zéro. Nous élevions du poulet, du canard, du porc, de l’agneau et du bœuf, tout en produisant des œufs de poules et de canes. Malgré les défis, nous avons réussi à nous tailler une place dans un milieu où tant d’entreprises échouent après deux ou trois ans.
Je suis fière du chemin parcouru et du fait que Les 13 Arpents soient toujours là en 2025. Mais ces premières années m’ont appris une vérité essentielle : l’autonomie et l’indépendance en agriculture sont une illusion.
Pourquoi ? Parce que le cœur de l’agriculture, ici comme ailleurs, repose avant tout sur la communauté qui l’anime.
Que ce soit pour acheter des animaux, de l’équipement ou simplement pour apprendre comment d’autres s’y prennent, nous avons visité de nombreuses fermes, rencontré des dizaines d’éleveurs. Certains sont devenus des amis chers, des alliés sur qui nous pouvons compter au quotidien.
Peu importe le modèle agricole adopté—industriel, familial, à petite échelle—chaque agriculteur que j’ai rencontré partageait une même humilité face à la terre et une confiance inébranlable en la vie. Travailler avec le vivant nous plonge dans un paradoxe fascinant : nous réalisons à quel point nous sommes une infime partie d’un tout, interdépendants et complémentaires, et en même temps, nous voyons que la nature s’ordonne d’elle-même, dans une harmonie parfaite.
Cette prise de conscience forge un sentiment d’appartenance profond. Loin d’être une compétition, l’agriculture est un tissu vivant de solidarité où chacun a besoin de l’autre. Un coup de main pour une mise bas difficile, un voisin qui dépanne du foin en cas de pénurie, un collègue qui partage son expérience pour éviter une erreur coûteuse—c’est ainsi que nous avançons, ensemble.
Finalement, l’agriculture n’est pas une aventure solitaire. C’est une histoire de transmission, de soutien et de liens tissés dans l’effort et la résilience. Une grande famille, où l’on apprend que la véritable richesse ne se mesure pas qu’en récoltes ou en bêtes, mais aussi en entraide et en amitiés durables.
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