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Du bacon au gigot : la transition risquée

"Si on m'avait dit il y a 5 ans que je deviendrais bergère..."


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Lorsque j’ai été porté mes derniers porcs à l’abattoir à l’été 2024 alors que mes moutons islandais broutaient paisiblement, j’ai eu le cœur gros, mais j’étais soulagée. C’était la fin d’un chapitre, mais le début d’un nouveau.

 

En 2021, quand on a démarré la ferme avec Frédéric, notre plan d’affaire était fondé sur le porc de pâturage et sur un petit troupeau de moutons islandais. J’ai toujours préféré mes moutons aux porcs, mais le potentiel se trouvait dans le porc. Je dois bien avouer que les trois premières années, mes agneaux ne m’ont rien rapporté et ont probablement couté de l’argent. Pourtant, lorsque je me suis séparée de Frédéric, vendre les porcs et garder les moutons s’est imposé comme une évidence.

 

À l’heure où j’écris ces lignes, j’opère une ferme de 180 brebis laitières avec mon nouveau conjoint et j’ai toujours mon petit troupeau de moutons islandais qui me suit depuis le début.

 

Du bacon au gigot, je te raconte pourquoi et comment j’ai effectué cette transition risquée.


Partie 1 : Les vraies raisons


Le mouton : pas une tête de cochon (quoique…)

 

Un porc adulte pèse entre 250 et 300 livres tandis que le poids d’une brebis adulte varie entre 75 lb (pour mes islandais) et 150 lb (les frisonnes – les brebis laitières). J’ai souvent répété que je préférais les moutons car ce sont des animaux que je suis capable de manipuler seule. Les porcs, c’est différent. Mieux vaut être très bien organisé car si un porc décide qu’il n’ira nulle part… il n’ira nulle part. Ce sont des animaux extrêmement forts, qui détruisent tout, surtout les clôtures. Une fois j'ai du courir, nu-bas, sur l'asphalte du rang après trois porcelets en fuite. L'objectif : courir plus vite qu'eux pour les contourner et les rapatrier dans leur enclos. Je me souviens encore du fou rire de ma voisine qui m'a vu passer en allant chercher son courrier et à qui j'ai crié entre deux souffles : "J'en ai plein mon casque de l'agriculture !". Évidemment, ça n'a pas suffit à me décourager puisque je suis encore là.

 

Mis à part mes mésaventures porcines, je trouve que les moutons sont des animaux beaucoup plus versatiles. Une brebis me donne des agneaux, du lait et de la laine. Un agneau me donne de la viande ainsi qu’une toison chaude et stylée. C’est à la fois rentable tout en répondant davantage à mes valeurs – j’aime pouvoir utiliser au maximum l’animal afin de me rapprocher d’une consommation éthique de ce dernier. Finalement, quand une brebis réussi à s'enfuir de son enclos, il suffit de l'y rediriger calmement. Un agneau ? Je me penche pour l'attraper et je le dépose délicatement dans son enclos avant de "patcher" le trou. Pas de crise de nerfs ni de course effrénée, merci-bonsoir.

 

Finalement, j’ai une connexion différente avec les moutons de celle que j’ai avec les cochons. Je trouve que ce sont des animaux plus doux et discrets. Ils ont une odeur plus douce que j’aime particulièrement et les brebis ont rarement plus que deux ou trois agneaux – contrairement à 8 ou 15 pour une truie – ce qui rend la gestion plus simple, mais aussi la connexion avec les agneaux plus naturelle.


Partie 2 : Ce que cette transition signifie réellement pour moi


Passer du porc à l’agneau c’est pratiquement comme passer du coq à l’âne. Nouveau métier, nouveaux équipements et nouvelle clientèle – ou presque.


Les moutons n’ont pas les mêmes besoins que les porcs et nécessitent des espaces différents. Ils ne mangent pas la même chose, boivent différemment et dorment différemment. Mes islandais m’y avait déjà préparé, mais la brebis laitière, c’est un monde différent ! On ne parle plus d’élever quelques adorables moutons rustiques sur quelques acres, mais bien de s’occuper de véritables championnes qui nécessitent les meilleurs soins pour donner leur 110%. Alimentation rigoureuse et de qualité supérieure, contrôle de l’humidité et de la température dans les bâtiments, respect des cycles de la brebis, régie (mise au bélier, tarissement, agnelage) contrôlée. C’est un autre monde ! On s’est entouré de spécialistes et de conseillers, mais il a fallu tout apprendre et vite. Un vrai défi!


On vend tout notre lait, mais il faut encore commercialiser l’agneau. En faisant cette transition et en arrêtant d’élever du porc qui représentait 80% de mon chiffre d’affaires, j’ai accepté de repartir pratiquement de zéro et de conquérir une nouvelle clientèle et de consolider l’existante.


Je me demande parfois si j’ai fait le bon choix, si je n’aurais pas plutôt dû poursuivre ce que je faisais et si relever constamment de nouveaux défis est à ce point indispensable.


Partie 3 : Pourquoi je ne regrette rien


J’ai adoré élever des porcs. J’ai appris énormément de choses et surtout, j’ai appris ce que je n’aimais pas : les cochons qui détruisent tout, le fait que je sois incapable de déplacer seule un porc adulte, l’odeur.


En achetant la ferme avec Brian, j’ai fait deux paris.


Le premier, c’était d’effectuer un virage à 360° en changeant de production. Le deuxième, c’était d’acheter ce qu’intérieurement j’appelle une « vraie ferme » c’est-à-dire, une ferme pleinement opérationnelle avec une production à grande échelle. Il ne s’agit plus d’une petite ferme autosuffisante, mais d’une grosse production que lentement, mais surement, je redirige vers le marché local en t’offrant de la viande d’agneau élevé avec soin et amour. Parce-que malgré tout, je crois en l'agriculture et que même si j'ai choisi un modèle plus conventionnel que le précédent, je m'assure d'y mettre mon grain de non-conventionnalité pour y insuffler un vent d'agriculture locale et différente.


Il s’agit d’une autre transition, mais que j’ai choisi à bras ouverts et qui, malgré les difficultés, m’a permis d’être en paix avec mon activité.

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