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17h30, c'est l'heure du train : Chroniques de deux mini-fermiers

Introduction

 

Eliott, 5 ans : « Maman, c’est tu bientôt l’heure du train ? »

 

Le train fait partie intégrante de ma routine avec les enfants. Beau temps, mauvais temps, ils m’accompagnent toujours à l’étable pour nourrir les animaux. Ils sont encore jeunes et, s’il ne me vient pas à l’esprit de les laisser seuls... et de leur côté, me suivre partout est juste naturel !

 

Même si d'autres enfants du voisinage vivent la même chose, je me demande parfois : suis-je une mère accomplie ou indigne quand mes petits travaillent avec moi ? C'est vrai que c'est de la main-d'œuvre gratuite (bon, moyennement efficace) qui se paie en câlins !

 

Étonnamment, je propose régulièrement à Eliott et Jade d’aller jouer pendant que je travaille et une fois sur deux, ils refusent. Ils veulent aider !

 

Notre routine – la réalité brute

 

Oui, ça prend deux fois plus de temps, mais c’est correct, parce qu’à défaut de travailler plus vite, j’exerce mon lâcher-prise et je suis devenue super bonne!

 

Juste après le souper la semaine, vers 17h30 et matin et soir la fin de semaine, nous descendons à l’étable et allons donner le grain et le foin aux brebis et aux agneaux, et nous assurer que tout le monde va bien. Régulièrement, il faut ajouter la distribution des biberons aux agneaux. C’est une des tâches favorites de Jade !

 


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Souvent, les enfants participent aux tâches en papillonnant autour de moi. Le reste du temps, ils trouvent de quoi s’occuper ou courent après les agneaux fugueurs. L’étable résonne rapidement de rires et de cris de joie.

 

Évidemment, il y a du matériel qui brise, des objets renversés et des dégâts divers et variés. C’est la rançon d’avoir deux minis heureux dans une ferme. Lorsqu’il faut rentrer une balle de foin, les enfants négocient leur place sur le tracteur avec Brian et je dois être particulièrement diplomate pour rediriger l’intérêt de celui qui reste sur le plancher.

 

L’adaptation constante  

 

Imaginez travailler en étant constamment interrompue par deux jeunes employés qui veulent absolument tout faire avec vous, vont trop vite et écoutent la moitié des consignes. Sans aucune possibilité de les licencier. 

 

La seule option ? Relativiser, respirer un bon coup et surtout arrêter de se demander « À quoi donc, ça sert de faire des enfants, déjà ? » (Spoiler : pour avoir de la main-d'œuvre agricole, évidemment !)

 

Travailler avec eux, c’est une adaptation constante et surtout, c’est accepter un rythme différent et une participation ininterrompue de petites mains maladroites.

 

Au début, Brian et moi essayions de tout faire ensemble, d’occuper les enfants et de travailler le plus vite possible. Ça ne fonctionnait pas. Nos soirées s’étiraient, les enfants étaient insatisfaits et épuisés. On a donc décidé de se répartir les tâches. Brian s’occupe dorénavant seul de la traite pendant que je gère le reste des animaux avec les enfants.

 

À ma grande surprise, Eliott s’est attribué des tâches qu’il effectue de façon autonome et avec brio. Il donne à manger aux béliers, remplit les abreuvoirs et nettoie le vieux foin. Je suis toujours tellement fière de lui quand je le regarde aller! De temps en temps, Jade s’échappe pour aller « faire un bisou à Brian et faire toute toute la traite avec lui » puis revient au bout de 15 minutes.

 

C’est loin d’être simple, mais je constate quelque chose de fascinant : les enfants gagnent en autonomie et se font davantage confiance !

 

Les bénéfices cachés

 

Les études le confirment : les tâches développent des adultes épanouis

 

Les recherches scientifiques appuient ce que j'observe quotidiennement à la ferme.

 

Une étude de l'Université du Minnesota, qui a suivi des enfants pendant 25 ans, révèle que le meilleur indicateur de succès à l'âge adulte est la participation aux tâches ménagères dès 3-4 ans. Une autre étude de l’Université de Harvard, menée sur 75 ans, arrive aux mêmes conclusions : les enfants qui font des tâches développent une éthique de travail solide, plus de confiance en soi et de meilleures relations interpersonnelles.

 

Mais les tâches à la ferme vont encore plus loin. Les recherches sur les programmes agricoles auprès des jeunes montrent que les enfants impliqués dans l'agriculture développent des compétences de leadership exceptionnelles et une résilience remarquable. Pourquoi ? Parce que nourrir des animaux ou cultiver des plantes ajoute une dimension unique : la responsabilité envers des êtres vivants. Quand mon fils oublie de nourrir les béliers, les conséquences sont immédiates et tangibles. Cette connexion directe entre l'effort et le résultat, combinée au contexte familial fort de la ferme, amplifie tous les bénéfices identifiés par les chercheurs.

 

Mes enfants n'apprennent pas seulement à "faire des tâches" - ils apprennent que leur contribution est vitale au bien-être de notre famille et de nos animaux.

 

Pourquoi ça vaut la peine – au-delà des corvées

 

Ce travail quotidien avec les enfants leur apprend des aspects pratiques de la vie de façon brute et accélérée. Ils sont nécessairement confrontés à la maladie et à la mort, mais aussi aux naissances et à la vie. Eliott aime les agnelages autant que moi et est toujours ravi d’avoir de nouveaux agneaux dont s’occuper.

 

Ils développent leur curiosité en posant mille questions (« Pourquoi les moutons ont quatre estomacs ? » « Est-ce que les poules rêvent ? »), apprennent à prendre soin d’autres êtres vivants en dehors d’eux-mêmes et ils intègrent à leur quotidien la notion de responsabilité : les animaux ont besoin d’eux.

 

Mais le plus précieux?  C'est ce sentiment d'appartenance à quelque chose de plus grand qu'eux. Je prends toujours soin de les remercier pour leur aide et de souligner que sans eux ça aurait été plus long et plus difficile. Ils ne sont pas juste des enfants qui "aident maman" - ils sont des contributeurs essentiels.

 

Oui, certains soirs sont durs. Oui, je me demande parfois si je ne leur en demande pas trop. Mais quand je vois Jade consoler tendrement un agneau avec les mêmes mots que j'utilise pour elle, je sais qu'on est sur la bonne voie (« Ça va aller, ça va aller, je suis là avec toi »)

 

Conclusion

 

J’ai créé ma ferme car je voulais offrir cette vie à mes enfants et qu’ils aient l’occasion de grandir en étant connectés à la nature et ses cycles et pas à une tablette.

 

Ce choix comporte un lot phénoménal de défis et, alors que je pensais enseigner à mes enfants, cette aventure m'en a appris bien plus sur moi que je ne l'aurais cru.

 

C’est un chemin ardu, mais que je parcours main dans la main avec Eliott et Jade et ensemble nous apprenons à être des fermiers et moi, j’apprends à être une meilleure maman.

 

Et si vous passiez la tête par la porte de l’étable un soir, vous me trouveriez avec mes deux apprentis fermiers, probablement en train de ramasser un seau renversé en riant ou de danser en imitant Eliott qui fait la « pelle mécanique » !


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Notes bibliographiques


Rossmann, M. (2002). Involving children in household tasks: Is it worth the effort? University of Minnesota, College of Education and Human Development.


Lythcott-Haims, J. (2015). How to Raise an Adult. Discussion basée sur le Harvard Grant Study - Étude longitudinale de Harvard sur le développement adulte (1938-présent).


National FFA Organization et 4-H Youth Development Programs. Données compilées sur les bénéfices des programmes agricoles jeunesse. 

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