On me demande souvent si c'est difficile d'élever des animaux pour la viande, voici ma réponse.

À quel point est-ce que cela peut être difficile d'élever des animaux dont l'objectif final est d'être mangés ? C'est une question que tous les éleveurs se posent et dont la réponse ne s'obtient qu'avec l'expérience.
J'entends parfois certaines personnes dire qu'elles ne pourraient pas faire ce que je fais, qu'elles préfèrent acheter leur viande à l'épicerie car ne pas voir vivant l'animal qu'elles mangent leur permet de dissocier la viande de la vie animale. Fair point. J'ai longtemps fait ça et tout le monde ne peut pas être éleveur. Logistiquement ce serait impossible.
Lorsque j'ai commencé à élever des animaux, je l'ai fait avec deux convictions. La première était que je voulais m'assurer du processus de production du début à la fin et de m'assurer du bien être des animaux que j'élevais. La seconde était que je ne voulais plus dissocier l'animal de la pièce de viande car c'était important pour moi de payer ce que j'appelle "le vrai coût de la viande".
Je prends soin de chaque animal que j'élève et qui nait à la ferme. Je connais chacune de leurs caractéristiques, ainsi que leur caractère. Ils sont tous différents, aussi bien physiquement qu'en tant qu'êtres vivants. Certains sont dociles et câlins, d'autres sont craintifs et peureux. Parfois, certains sont agressifs. J'ai constaté que la plupart ce sont des traits hérités génétiquement, et en ce qui concerne les reproducteurs, le contact avec les humains fait le reste, car ces derniers restent à la ferme au fil des saisons.
J'ai souvent abattus moi-même des animaux pour ma consommation personnelle et je transporte les autres par mes soins jusqu'à l'abattoir. De cette façon, je suis avec eux du début à la fin et je m'assure qu'ils sont bien traités et abattus rapidement et avec respect. Je fais d'ailleurs un peu plus de route que j'en aurais besoin pour me rendre à un abattoir auquel je fais confiance pour ses pratiques car j'ai assisté à toutes les étapes, de la mise à mort à la découpe finale.
Est-ce que faire tout ça et savoir tout cela rend le processus plus facile ? La réponse est non. Il est vrai que l'on acquiert un certain détachement avec le temps, mais jamais complètement. C'est ainsi que je considère que le "vrai" prix de ma viande, c'est un petit morceau de mon coeur à chaque animal dont je prends la vie.
Je suis pourtant prête à payer ce prix pour m'assurer de vous offrir de la viande provenant d'animaux auxquels j'ai donné le meilleur de moi-même. Je paie ce prix, pour que vous n'ayez pas à le faire et que vous puissiez bénéficier d'une viande d'une qualité exceptionnelle autant du point de vue nutritionnel que du point de vue éthique. À chaque fois que vous faites le choix de vous nourrir auprès de fermiers investis, vous payez ce prix vous aussi. Et je crois sincèrement que c'est une position éthique et durable, qui permet de tirer l'agriculture vers le haut.
Raphaëlle

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